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"S'entendre comme chient et chats" : l'expression semble vieille comme le monde. Pourtant, comme bien des proverbes, dictons et expressions populaires, il ne faut pas trop s'y fier, car elle fait partie de cet héritage peu sympathique du Moyen Age, qui s'est complu à noircir le chat en l'accusant de tous les maux. Ceux qui ont des chats et des chiens savent bien que les deux animaux cohabitent volontiers, et qu'ils sont capables de vivre en bonne entente et même plus que cela. Mais, l'héritage de la culture populaire prétend le contraire.... A ce titre, ce que nous apprend le folklore, et ses récits, est instructif. De tous les coins de France et d'Europe, nous viennet des légendes qui corroborent la mauvaise opinion que se font les gens des rapports du chien et du chat. Bien entendu, on fait remonter cet antagonisme à la nuit des temps. C'est ainsi, en Provence, que l'on dit : "Le chien est du bon Dieur et le chat est du diable". Paul Sébillot, qui étudia longuement aux XIXè siècle le patrimoine folklorique de nos contrées et le réunit dans son important ouvrage Le Folklore de France, analysait fort bien le mécanisme redoutable par lequel toutes choses et toutes créatures se retrouvaient définitivement cataloguées dans la croyance populaire. "Lorsque Dieu a créé une oeuvre belle et utile, écrit Sébillot, le diable veut l'imiter, mais ses efforts n'aboutissent qu'à une contrefaçon inférieure et nuisible".
C'est ainsi que Dieu crée le jour, tandis que le diable n'est capable de produire que la nuit. Le Soleil est bien sûr une création céleste, alors que la Lune n'est que son imitation infernale. L'homme est une créature divine, tandis que la femme... N'insistons pas pour ménager les susceptibilités ! Mais rappelons que c'est la prétendue "sagesse populaire" qui parle, et pas l'auteur de ces lignes ! Les animaux n'échappent pas à cet étiquetage peu charitable.
Quand Dieu décide de donner la vie au chien, le diable, tentant une fois encore de l'imiter, va créer le chat. Le pli est pri, notre matou, avec ses oreilles pointues qui rappellent les cornes du Malin, est catalogué au rayon des "sales bêtes". Pourtant, tout laisse à penser que Dieu aurait bien aimé que le chat soit de son bord. Certains prétendent même que l'idée du chat lui revient mais que le diable lui ait soufflée alors même que le Seigneur était en plein travail. Le résultat, comme le croient les Poitevins, c'est que Dieu et Satan se battirent pour avoir la suprématie sur l'animal, et que le Malin eut le dernier mot en s'écriant : "Tu feras le chat si tu veux, mais sa tête sera à moi !" D'où la frayer qu'éprouvent certains devant les reflets verts qui dansent au fond de la prunelle du chat et qi rappellent cette paternité douteuse...
Et le chien ? Curieusement, le folklore semble avoir gommé avec précaution le passé de cet animal très tôt apprécié pour ses talents de chasseur et de gardien, son caractère docile et sa patience avec les enfants. Que le chien ait été un accompagnateur des âmes, un passeur des morts dans l'Antiquité gréco-latine (sans parler du "cousin", le chien sauvage Anubis, patron des embaumeurs chez les Egyptiens), paraît avoir été oublié au Moyen Age dans nos contrées, tandis que le chat devenait l'animal des ténèbres. Cerbère, le monstre à deux ou trois têtes, gardiens des Enfers, connais plus ! Oubliés, les chiens dévoreurs de charognes et d'ossements dans les cimetières ! Tout d'un coup, le chien devenait tout blanc, face à un petit félin désespérement noir.
A suivre....
Texte et illustrations : Il y a un siècle le chat - Robert de Laroche - Collection Isabelle Rousseau Editions - Ouest-France.
